La ville de l’année longue

/De William Pellier.
/Mise en scène/Laurent Maindon-Théâtre du Rictus.
/Avec/Claudine Bonhommeau, , Ghyslain Del Pino, Laurence Huby, Ludivine Anberrée, Christophe Gravouil, Nicolas Sansier, Yann Josso et Loïc Auffret.
/Conception Scénographie/Laurent Maindon.
/Conception Lumières/Jean Marc Pinault.
/Conception Bande son/Jérémie Morizeau.
/Conception Video /Machine Machine.

Vous voyez les Viennetta, ces desserts glacés feuilletés avec plein de couches. Ben, sur fond de grand Nord, avec son ours, ses banquiers en cavale, son Nobel chasseur de rennes… La ville de l’année longue, nouvelle création du Théâtre du Rictus, serait un peu ça. Dense et multicouches : une couche sociale, une couche dramatique, une couche philosophique, une couche de théâtre dans le théâtre… Et la promesse de quelques belles tranches de rire. […]
Véronique ESCOLANO – Ouest France – 01 octobre 2015

/Historique/

La Ville de l’année longue a valeur de manifeste ; on peut le lire pour ce qu’il raconte, mais aussi pour ce qu’il cherche à dire. Le texte questionne la perception que l’on se fait d’un récit, la représentation qu’on peut chercher à en donner théâtralement./Le texte/

C’est l’histoire d’une famille qui habite une ville du cercle polaire et ils ont un ami qui est docteur. Jusque là tout va bien. En fait, ce n’est pas vraiment une famille, on s’aperçoit que la femme est mariée avec un ours. Pourquoi pas. Il travaille dans une banque. Coïncidence, deux célèbres banquiers arrivent en ville. Plus tard, ils s¹écharpent avec un prix Nobel d¹économie, un vrai dont l’auteur a lu les ouvrages. Le docteur bibliomane ­ une note de bas de page l’affirme ­aimerait lui emprunter de l’argent pour assouvir sa coupable passion. De son côté, le narrateur révèle que le docteur est un brillant neurologue, peut-être pervers. La grand-mère ­ on ne sait de qui ­ est férue d¹Hitler. Il y a encore un enfant, mais il n’a pas une ligne de texte à dire.
Finalement, on s’enlise dans le résumé. L’essentiel, c’est le spectateur ­ou le lecteur ­qui se fait trimbaler. Pourquoi lui répète-t-on ce qu’on lui a déjà dit ? Il a l’impression d’avoir déjà entendu ça, mais il n’en est plus très sûr, il ne se passe pas grand chose, ça parle et parfois il décroche. Dans ce projet de raconter une histoire décomplexée, comme si on allait chercher du pain en slip, il y a plusieurs histoires qui s’amusent. Il y a l’histoire de la langue qui se dérobe et patine dans la bouche des personnages. Il y a l’histoire de l’histoire qui n’en finit pas de se répéter et qui avance par reculades successives… la rémanence, les réminiscences, l’examen discret de son voisin de fauteuil ou son propre intérêt.

/Note de l’auteur/ William Pellier

La Ville de l’année longue est une commande du Théâtre de la Tête noire. Commencé en février 2007, lors d’une résidence au Spitzberg, il s’apparente à une superposition de plaques narratives en équilibre instable : personnages, didascalies, narrateur, télé et radio sont en concurrence pour bâtir un huis clos qui craque et se disloque ; au spectateur de faire des choix pour rassembler les décombres. Dans cette histoire qui paraît se trouer à mesure qu’elle avance, la famille, la faune sauvage, la médecine et la banque élaborent des stratégies pour se tirer du mauvais pas où elles se sont embourbées. « Ce mélange improbable crée un contexte dont il faut se satisfaire. La scène est un espace où se joue une équation qu’on a posé et qu’on ne cherche peut-être pas à résoudre. La volonté de donner une signification à cette histoire apparaît aussi vaine et insurmontable que celle de donner sens aux événements qui modèlent le monde aujourd’hui. »
Dans l’écriture, je revendique des filiations littéraires et je défends une conception littéraire du texte théâtral, proche du récit, de la poésie, ou de l’essai. Mais je suis également porté vers les sciences sociales et humaines. La dimension purement fictionnelle de l’écriture m’intéresse moins que les opérations sur la langue et la représentation.
Le texte a valeur de manifeste ; on peut le lire pour ce qu’il raconte, mais aussi pour ce qu’il cherche à dire. Il questionne la perception que l’on se fait d’un récit, la représentation qu’on peut chercher à en donner théâtralement.