Vie Commune

/De Stéphane Bouquet.
/Mise en scène/Kévin Martos.
/Avec Ludivine Anberrée, Bertrand Ducher, Kévin Martos et Romain Lallement.
/Création musicale/Lenparrot.
/Régie et création lumière/Marion Donier.

/Historique/

“Vie commune, laissez on meurt questionne le vivant à travers trois formes écrites et mélangées. La biologie est l’étude du vivant. Je conçois la mise en scène comme une mise en pratique de cette étude humaine et végétale. Je fais côtoyer le théâtre et la biologie et j’attends de voir ce qu’il se passe.

Ces deux géographies suivent un seul rythme, Vie commune, laissez on meurt représente cette synthèse. Est-ce que ce qui nous entoure est une réaction aux deuils ?

Comment l’évolution de chaque organisme vivant procède aux deuils ? Les états d’âmes du végétal, des plantes vivaces deviennent le décor. L’espace d’une serre est représentée, elle devient la volonté de faire pousser pour vivre théâtralement à l’intérieur. Tout pousse de toute manière, quelque part. La scénographie vit aussi, elle évolue en fonction du jeu et de l’impact des acteurs sur elle. L’actrice joue au présent et revit le passé. Elle joue à ne plus hésiter. Elle est décisive.

La poésie de Stéphane B. reprend la composition en tresse d’un scénario : l’avant, le pendant et l’après se liant dès le début de la fiction. Il manipule ainsi la douleur, le présent et le souvenir comme tremplin permettant le nouveau départ.”   Kévin Martos, metteur en scène

/La pièce/

C’est le retour de Ludivine Anberrée: la comédienne partage la scène avec Kevin Martos (également metteur en scène et scénographe). Romain Lallement (Lenparrot) assure toute la partie musicale au plateau, dans la pièce «Vie commune, laissez on meurt», d’après le recueil du poète contemporain Stéphane Bouquet. Projet ambitieux dont la phase la plus aboutie est présentée cette semaine au Nouveau studio théâtre, 5 rue du Ballet à Nantes. 
« Les récits de Bouquet sont fabuleux, explique le critique Vianney Lacombe à propos de « Vie commune » : il est permis à tous les personnages de se transformer, de devenir des morceaux choisis de la douleur, de l’angoisse, du plaisir et de l’absence, avec de nombreux visages qui ne sont pas toujours celui de Bouquet : il lui est possible désormais de parler de lui comme s’il avait existé dans ces personnages, ce qui est une définition de la fiction, mais nourrie de présences, de souvenirs et de sensations. »
Ainsi posé, le passage du papier et du poème à la fiction à la scène semble possible; reste que cette écriture est « rêche »: Kevin Martos tente d’en faciliter l’accès, dans une ouverture virtuose où, sur la musique de Charles Mingus (Fables of Faubus), Ludivine Anberrée se livre à une action chorégraphique, mêlant l’énergie de la comédie musicale et l’audace de la performance, où femme et homme échangent leurs rôles. Cette approche très physique de la poésie contemporaine (la coach chorégraphique Layal Younesse y a mis sa touche), à travers un mélange des rôles et un échange des genres, propose une relecture politique de la comédie romantique, sur fond de réchauffement climatique et de villes occupées, dans une atmosphère pop que Lenparrot diffuse comme un oiseleur inspiré. Ses musiques et voix apportent une intensité autre, plus sensible, un contrepoint et une clarté nécessaires. L’opacité apparente du texte n’en est que relative; une décantation légère du texte suffit pour que, relu, la teneur en semble limpide: « Qu’est-ce que vivre? Cette fois l’étymologie ne va pas nous aider. En indo-européen vivre voulait déjà dire vivre semble-t-il, et rien d’autre. C’est à nouveau le début, peut-être qu’il suffit d’accumuler un tas de gestes et on verra bien le sens à la fin. » C’est tout ce qu’on souhaite à ce travail qui se poursuit en résidence à la Fabrique de Chantenay avant de trouver sa forme définitive, au terme d’une maturation dont on attend beaucoup et qui gagnerait peut-être, comme le suggère un simple spectateur, à se donner ouvertement comme la projection scénique d’un livre de poésie.
Article de Daniel Morvan

/L’auteur/ Stéphane Bouquet

Vie commune est le septième livre de Stéphane Bouquet paru aux éditions Champ Vallon. Depuis l’année zéro de ce nouveau millénaire, il a résolument adopté cette moindre forme (ou ce genre mineur) qu’est devenue la poésie en langue française, reprenant à l’issue d’un long détour américain (y compris par la traduction) le poème là où l’avaient laissé des générations oublieuses : d’où chez lui ce souci de la narrativité longtemps resté sans échos dans la poésie de langue française (et à peine perceptible encore aujourd’hui). Rien d’étonnant, eu égard à son geste d’ouverture du poème au récit, que ce récent ouvrage contienne (« fraternellement », c’est leur titre) trois poèmes, une pièce de théâtre (« Monstres », ils sont onze, « ou plus, ou moins »), trois récits (« Les trois sœurs », avec ce salut prolongé à Tchékhov)